Alexandre de Humboldt nait en 1769 à Tegel (près de Berlin) dans la principauté prussienne (devenue un royaume en 1806), dans une famille anoblie au service du Roi de Prusse. Son père est commandant de l’armée prussienne et chambellan du prince impérial. Du côté maternel, Humboldt avait une ascendance française. Au château de Tegel, Alexandre et son frère Guillaume reçurent une éducation auprès des meilleurs précepteurs du royaume. L’enfance et l’adolescence d'Alexandre de Humboldt ont été marquées par la solitude et l’ennui (Minguet, 1997). Il poursuivit ses études supérieures à l’université de Göttingen. Il arriva à Paris au moment où le peuple allait fêter la fête de la Fédération : « Les spectacles des Parisiens, écrit-il, leur rassemblement national, celui de leur temple de la liberté encore inachevé, pour lequel j’ai moi-même transporté du sable, tout cela flotte dans mon âme comme un rêve. » (Jean-Paul Duviols). Il retourna à Hambourg où il entreprit ses premiers travaux de botanique. Ensuite, Humboldt devint ingénieur et conseiller supérieur des mines de Freiberg. Au moment du décès de sa mère, il démissionna et il rassembla divers instruments de mensuration pour un voyage qu’il souhaitait faire vers l’Egypte. Ne pouvant s’y rendre, il décida d’aller dans les colonies espagnoles d’Amérique. Il partit avec Bonpland et fit un voyage mémorable de 1799 à 1804 dans l’Amérique équinoxiale, en Nouvelle-Espagne, à Cuba et aux Etats-Unis (voyage décrit plus bas). A son retour en Europe, il s’installa principalement à Paris où il se sentait comme chez lui et où il publiera l’essentiel de son œuvre. En 1827, il retourna vivre à Berlin auprès du roi de Prusse qui lui avait demandé de rentrer. En 1829, il voyagea en Russie et poursuivit l’écriture de son œuvre Cosmos. Humboldt a été un savant universel : physicien, géographe, historien, ethnologue, climatologue et vulcanologue. Fasciné dès sa petite enfance par les spectacles de la Nature, il voua toute sa vie et son énergie à l’observation, à la description et les découvertes du monde et des phénomènes naturels (l’une de ses œuvres les plus célèbres s’intitule Tableaux de la Nature). Explorateur, il s’imprégna de la géographie du monde et diffusa dans des éditions d’une qualité remarquable, les résultats de ses trouvailles et de ses réflexions scientifiques. Ami de Goethe, il prendra tout de même ses distances avec le romantisme allemand. En effet, il devait écrire à François Arago (1786-1853) à propos de la jeunesse allemande « (elle) s’est jetée dans les écarts de la philosophie de la nature, parce qu’on ne lui a pas montré que, sans s’éloigner des vérités physiques, on peut encore parler à l’imagination. » (Drouin, 2003). Il a été l’ami des Français, Aimé Bonpland, Gay Lussac et François Arago et de la plupart des scientifiques de l’époque. Il a été président de la Société de Géographie (Paris) et membre de l’Institut de France.
L’aventure américaine
A trente ans, il va sillonner l’Amérique méridionale et centrale, accompagné de Bonpland, en la parcourant et en la décrivant méthodiquement: « Plus de quinze mille kilomètres, bardé d’instruments scientifiques, levant les cartes, notant tout de la nature et des hommes, des faits historiques et de la géographie, donnant les premiers éléments de la formation géologique du continent et en esquissant le premier tableau démographique. » Il est le second découvreur de l’Amérique après Christophe Colomb (Minguet, 1980). Il est, entre autres, le fondateur de l’anthropologie, de l’ethnologie et de l’archéologie américaines. Le fondateur de la modernité américaine (Zeuske, 2004), celui qui va propulser le continent américain dans la richesse du monde naturel à son juste titre. Les régions équinoxiales (équatoriales) seront, à ses yeux, les plus luxuriantes et les plus riches de la planète. Il est intéressant de s’arrêter sur l'analyse de l’habitat par rapport à l’altitude, développée par Alexandre de Humboldt dans son œuvre novatrice Essai sur la Géographie des Plantes dans laquelle, grâce à sa manière d’observer le monde naturel, il a pu créer « la géographie tridimensionnelle, une façon toute nouvelle d’étudier le paysage, qui tient compte de la situation, du climat et du sol. » (Minguet et Duviols, Essai sur la Géographie des Plantes Préface, p : IV); Il est également important de remarquer que les procédés de mensuration employés par Humboldt à partir d’une observation accrue, sont les mêmes qui lui ont permis d’observer et de décrire les différentes couches climatiques présentes à Tenerife, lors de l’escale réalisée dans l’archipel des Canaries en 1799. À cette occasion, il avait observé la diversité des espèces naturelles présentes dans l’île, notamment de la Vallée de la Orotava jusqu’au sommet du volcan Teide, (Hernandez Gonzalez, 2005) dont il fit l’ascension. Comme nous le rappelle Charles Minguet : « Le savant allemand y fait apparaître les zones de végétation selon l’altitude, établit une échelle de température, des échelles barométriques, hygrométriques, électrométriques ; étudie l’intensité du bleu du ciel au moyen du cyanomètre ; indique les degrés de la décroissance de la lumière, les réfractions horizontales des rayons, la composition chimique de l’air, la diminution de la pesanteur d’ébullition de l’eau ; consigne des observations géognostiques ; marque les limites inférieures des neiges éternelles ; énumère les principaux spécimens de la faune et des plantes cultivées. » (Minguet et Duviols, Essai sur la Géographie des Plantes Préface, p : IV) Outre ses travaux scientifiques, Humboldt, à la suite de son séjour d’une année au Mexique, a laissé un tableau complet de l’économie dans son Essai politique sur le Royaume de la Nouvelle-Espagne. Rien n’y manque : agriculture, mines, commerce intérieur et extérieur, manufactures, problèmes financiers et monétaires, etc. Il a étudié avec soin l’influence des métaux précieux sur la conjoncture économique générale et il a noté qu’au milieu du XVIII e siècle, l’insuffisance de la production de l’Espagne avait favorisé l’intrusion massive du commerce étranger en Amérique, phénomène confirmé par les études les plus récentes. (Duviols, 1994) Il meurt le 6 mai 1859, à quatre-vingt dix ans et l’année de la parution de l’Origines des espèces (1859) de Darwin et après avoir publié sa dernière publication, une louange de la Terre et de la Nature, intitulée Cosmos. L’expédition dans l’Amérique espagnole
En 1799, Aimé Goujaud Bonpland, médecin, botaniste et naturaliste rochelais accepte l’invitation du baron prussien, Alexandre de Humboldt, à partir faire une expédition scientifique en Espagne puis en Afrique, suite à leur échec à se joindre aux expéditions scientifiques du général Bonaparte (1769-1821) en Egypte et à celle de Nicolas Baudin (1754-1803) dans la Mer du Sud. Les deux amis qui s’étaient rencontrés à Paris, se dirigent vers Marseille, puis arrivent à Valence, avec le projet d’herboriser en Afrique du Nord, mais la Méditerranée étant dominée par les Anglais, ce projet fut abandonné également. Par un concours de circonstances, la destination finale de Bonpland et Humboldt fut l’Amérique espagnole. Grâce à sa position sociale, Humboldt avait acquis les faveurs du roi d’Espagne, Charles IV. Malgré leurs origines différentes, tant Alexandre de Humboldt qu’Aimé Bonpland étaient des hommes des Lumières, en quête de savoir et de connaissances scientifiques. Ils avaient aussi le souci d’une société meilleure et plus juste. Leurs esprits ne se trouvaient pas en accord avec les règles qui régissaient les colonies espagnoles, ni avec les censures et les interdits imposés par l’Inquisition et par la couronne espagnole aux citoyens nés au sein des colonies et encore moins avec le système esclavagiste qu’ils ne pouvaient que condamner. C’est avec une grande lucidité qu’ils observent et analysent ce monde rétrograde sur bien des points, mais qui était aussi ouvert aux idées nouvelles. Le résultat de leur voyage a eu un impact important en Europe et on peut dire qu’il a été comme une seconde découverte du Nouveau Monde et il a eu une part non négligeable dans l’éclosion des mouvements d’Indépendance qui commenceront au tout début du XIXe siècle, peu de temps après leur départ.
Voici un extrait d’une lettre d’Alexandre de Humboldt au rédacteur en chef du journal de Bordeaux, écrite pendant leur quarantaine, au retour de leur périple américain qui dura 5 ans, écrite le 24 thermidor an XII (12 août 1804), citée dans les Lettres américaines de E.T.Hamy (1984): « Il est connu que je ne suis venu à Madrid l’an 1799 qu’afin d’y solliciter la permission de la Cour pour faire à mes propres frais des recherches dans les vastes colonies soumises à l’Espagne. Cette permission m’a été accordée avec cette libéralité d’idées qui caractérise notre siècle, et à laquelle on doit le progrès rapide des connaissances humaines. Sa Majesté Catholique intéressée au succès de mon expédition, a daigné m’honorer de la protection la plus magnanime, et c’est en profitant de cette faveur, qu’elle m’a continuée pendant cinq ans de courses dans l’Amérique espagnole, que j’ai pu faire des observations dont quelques-unes peut-être seront dignes de fixer l’attention des physiciens ». Aimé Bonpland et Alexandre de Humboldt partent d’Espagne avec un passeport signé de la main du Roi Charles IV d’Espagne (r.1788-1808) où l’on pouvait lire : “Por cuanto há resuelto el Rey, que Dios guarde, conceder pasaporte á Dn Alexandro Federico Barón de Humboldt, Consejero Superior de Minas de S. M. el Rey de Prusia, para que acompañado de su Ayudante ó Secretario Dn Alexandro Bonpland (...)”, Ils arrivent à la Capitainerie Générale du Venezuela en 1799 où ils étudient la nature : les plantes, la topographie, le ciel... Ils remontent l’Orénoque à la frontière entre les actuels Venezuela et Colombie.
VOYAGES 1799 : La Corogne, les Iles Canaries, Venezuela 1800 : Cuba 1801 : Le Vice-Royaume de la Nouvelle-Grenade 1802 : Le Vice Royaume du Pérou 1803 : Le Vice Royaume de la Nouvelle-Espagne 1804 : Les Etats-Unis d’Amérique - Bordeaux
Humboldt et Bonpland font l’ascension de plusieurs volcans : Pichincha ( 4784 m), Cotopaxi (5911 m), Antisans (5752 m), Illinaza (5126 m). Et surtout le Chimborazo (6263 m), considéré alors comme la plus haute montagne du globe. Outre la conquête des cimes, que Humboldt comparera à la conquête des cieux par Gay Lussac dans un ballon - ce qui intéresse Humboldt est l’étude des liens entre les êtres vivants (végétaux et animaux) et la nature (inanimée). Dans la continuité de Linné et la Condamine, Humboldt ébauche sa théorie de la distribution des plantes en fonction des facteurs environnants et physiques. Le tout sera scientifiquement mesuré par Humboldt. Des fleuves relevés dont nous présentons ici quelques liens vers le BNF-Gallica. (L’Orénoque, le Madeleine, et la carte du Vice Royaume de la Nouvelle Grenade d’après les relevés de Humboldt). https://orchideesdecolombie.mnhn.fr/ |